Par Auré,
Une grosse brume
bien épaisse nous accompagne pour notre sortie de la Péninsule de Valdès. Il
n’y a qu’une centaine de kilomètres pour rejoindre Puerto Madryn, c’est alors
qu’un petit évènement se produit dans notre petit train-train de voyageurs.
Force Orange atteint la barre des 100 000 kilomètres. Ce moment de joie, ô
combien important dans la vie d’une moto, nous aurions aimé le graver à jamais
et ainsi vous le faire partager, mais je crois que l’écran du compteur a trop
souffert des changements climatiques…
Grosse cité
balnéaire, Puerto Madryn nous accueille le temps d’une nuit afin de pouvoir
donner quelques nouvelles via une bonne connexion internet. Le lendemain, ce
n’est que quelques encablures plus loin, à Playa Union, que nous posons notre
tente, puis partons dans la foulée pour un site exceptionnel, Punta Tombo.
Nous longeons la
piste côtière et, sur les conseils d’un voyageur rencontré à Salta, nous
faisons une première halte à Playa Escondida. L’occasion d’approcher de très,
très près, des éléphants de mer.
Ce n’est pas
qu’ils aient une activité débordante, mais notre présence intrigue quelque peu.
L’éléphant de mer
est un apnéiste hors pair, il peut atteindre des profondeurs allant jusqu’à
1 600 mètres durant des plongées de près de 30 minutes. Les marques sur le dos attestent de violentes
empoignades.
C’est assez
incroyable de pouvoir approcher de tels mastodontes d’aussi près…
Mais bon, leur
patience a également des limites…
Allez, on vous
laisse tranquille maintenant…
Nous continuons
la piste jusqu’à Punta Tombo, haut lieu de reproduction et de nidification pour
les manchots de Magellan.
Non, pas chez
vous les Boules de Poils, on a dit Punta Tombo, là où le manchot est
prioritaire.
Voilà qui est
mieux. Le manchot de Magellan se reproduit uniquement sur les côtes argentines
et chiliennes, le reste du temps il le passe au Brésil. Pas fou le manchot.
Chaque année, les
mâles réinvestissent le même nid, et lorsque les femelles arrivent, ce sont
près de 400 000 individus qui peuplent ce bout de côte !!
C’est absolument
incroyable, il y a plus de manchots sur ces quelques hectares de collines que
d’habitants en Corse !! La « mise à l’eau » s’effectue dans une
petite crique abritée du vent, le manchot de Magellan peut parcourir jusqu’à
600 kilomètres pour trouver de la nourriture pour ses petits !!
Lorsque les œufs
vont éclore, les nouveaux-nés seront sujets à de nombreux dangers, et notamment
les rapaces, qui commencent déjà à prendre place.
Une journée
fabuleuse au plus proche de la Nature…
… Et qui se
termine par quelques tortas fritas/soupe…un goût unique…Il fait frisquet ce
soir, et l’employé du camping nous invite dans le salon plutôt
« cosy » de l’auberge attenante, franchement sympa, nous pouvons
profiter du wifi.
La « Ruta
3 », route qui longe la côte Est de l’Argentine, est notre pain quotidien.
Parfois monotone, de part ces longues plaines qui s’étendent à perte de vue,
elle n’en garde pas moins un petit côté mythique quand même, car au final, on
sait bien où elle mène… Les rares petits villages se résument souvent à une
station-service, où il est bon de prendre un café chaud devant les autocollants
de nos prédécesseurs. Une vraie
atmosphère…
Nous sortons de
la route principale pour faire étape 70 kilomètres plus loin, au bord de l’eau,
dans le village de Camarones.
Les nuages
chargés et le vent glacial se prête parfaitement au lieu, un chalut amarré au
port attend patiemment d’aller relever ses lignes. Cité autoproclamée de la
pêche au saumon durant les mois de novembre et décembre, Camarones, qui
signifie crevettes en espagnol, est actuellement un petit village de pêcheurs
bien paisible. A défaut de saumon, la dame du camping municipal prépare des
barquettes de belles gambas qu’elle met en vente, pour le plus grand bonheur d’Émilie. Ou quand le camping devient de suite moins contraignant !!
Grand beau temps
lors de notre réveil, nous décidons d’aller profiter de la réserve Cabo Dos
Bahias, à une trentaine de kilomètres du village. D’après nos sources, il y
aurait la maison de Florent Pagny dans le coin, mais c’est avec nos amis les
manchots que nous irons converser.
Différencions le mâle de la femelle, à chacun son interprétation…
Nous ne nous
lassons pas d’être au plus près des animaux. L’observation peut se faire
pendant des heures, il y aurait toujours une nouvelle photo à prendre, vive le
numérique !!
Les guanacos font
partie des habitants de la Patagonie. Savant mélange entre un lama et une
vigogne, il n’en reste pas moins très peureux.
Côte escarpée,
roche tirant sur le rouge, végétation rase, si l’on enlève les manchots on se
croirait dans le désert des Agriates.
De retour à notre
camping, nous avons longuement hésité pour notre dîner entre un succulent
sachet de soupe et une nouvelle barquette de gambas…j’avoue, cela ne nous a
même pas traversé l’esprit (la soupe !!).
Nous faisons
étape à Caleta Olivia, lorsque nous reprenons la route au petit matin, nous avons l’agréable surprise de pouvoir
approcher des lions de mer qui profite de la plage.
Tout comme leur
lointain cousin l’éléphant de mer, ce n’est pas l’hyperactivité qui les
étouffera. Cela est une belle opportunité d’approche, cette
« crinière » qui n’est sans rappeler celle du roi de la savane et qui
leur a valu ce nom de lion de mer.
La « Ruta
3 » et sa côte Atlantique possède bon nombre de stations balnéaires de
plus ou moins grandes importances. Complètement vides à l’heure actuelle,
celles-ci offrent néanmoins une halte sympa, très souvent un camping municipal,
et une petite visite pour aller se dégourdir les jambes. Comme ce soir, à
Puerto San Julian, où nous pouvons admirer une réplique du bateau de Magellan,
qui accosta dans la ville lors de son tour du monde en 1520.
La Patagonie est
indissociable d’Éole, Dieu du Vent. Ces immenses plaines à perte de vue en sont
son terrain de jeu favori, pas le moindre dénivelé pour le faire ralentir.
C’est donc dans ce schéma, avec notre frêle embarcation, que nous essayons de
contenir ses assauts. Éole n’est pas content aujourd’hui, et notre route
jusqu’à Rio Gallegos va être un véritable enfer. Le danger est permanent, les
rails de sécurité, une butte de terre, tout ce qui peut couper le vent
brutalement. Les rafales sont comme des coups de burin, essayer de les
anticiper c’est tenter de ne pas finir sur la voie opposée. On se tasse sur la
moto, le cou et le dos brulent, les cuisses sont tremblantes, il n’y a pas dix
secondes de pause, l’on en vient à prier que le GPS nous indique un changement
de direction !! C’est complètement sur les rotules et sous quelques
flocons de neige que nous atteignons Rio Gallegos, une des dernières villes du
continent américain.
De voir notre
position sur la carte nous remplit de joie, bientôt la Terre de Feu !!
Mais la Terre de Feu attendra bien un peu, petite surprise en ouvrant les
rideaux. Le sol est verglacé, pas question de prendre de risques avec notre
véhicule à seulement deux roues alignées.
Cela doit être
une des premières fois du voyage que nous regardons la météo, feu vert, île de
Terre de Feu nous voilà !! L’extrême sud du continent et l’île sont
répartis entre l’Argentine et le Chili. Il nous faut donc, une première fois
dans la journée, sortir de l’un pour aller chez l’autre. Tout se passe dans un
même bureau, très facile, sauf que les douaniers chiliens n’acceptent aucunes entrées
de viandes, fromages ou produits végétaux sur leur territoire. Nous
connaissions cette loi, mais nous avons voulu tenter de passer deux
malheureuses bananes pour notre repas du midi. Nous avons donc délibérément
menti (honte à nous) à plusieurs douaniers qui nous ont posé la question, menti
(re-honte à nous) sur le formulaire d’entrée, mais c’était sans compter sur
l’arme ultime de la douane chilienne, j’ai nommé, le chien renifleur de
bananes. En moins de trente secondes nous avons été débusqué, mais pas
rancuniers pour un sous les gars, ils ont récupéré l’objet du délit et nous
avons pu filer !!
Quelques
encablures plus loin, c’est la fin du continent américain, le passage du
Détroit de Magellan. Deux bacs font des rotations toute la journée, lorsque le
monsieur qui souffle n’est pas trop de mauvaise humeur.
Détroit de
Magellan, Terre de Feu, des noms mythiques qui en appellent d’autres, de grands
marins, des explorateurs, de nombreuses pages d’Histoire, ça y est, nous y
sommes…
Nous traversons
la partie chilienne de l’île assez rapidement, pour nous retrouver pour la
deuxième fois de la journée devant un poste frontière. Plus de bananes cette
fois-ci, de toute façon les douaniers argentins n’en ont que faire, les passeports
se tamponnent au rythme de la musique. Plein d’essence (très juste !!) à
San Sebastian puis halte à Rio Grande pour ce qui fût une bonne journée.
Lendemain,
première séquence d’une journée émotion, entrer le nom Ushuaïa dans le GPS,
c’est pas tous les jours non plus !! Les kilomètres qui suivent Rio Grande
sont identiques à depuis fort longtemps, mais rapidement nous entrons dans une
forêt, flippante au début, vraiment sympa ensuite.
Un petit café, se
dégourdir les doigts, puis nous attaquons nos « derniers » cent
kilomètres. Les paysages sont vraiment jolis, nous longeons le Lac Fagnano. Les
traces de la tempête de neige d’il y a quelques jours sont encore présentes
mais le petit col est dégagé.
Comme l’envie d’apprécier
chaque seconde, chaque mètre qui défile. Depuis la Corse, Saint Amans Soult, Oulan-Bator, Bangkok,
San Francisco notre point le plus au nord des Amériques, sans oublier J-Chris
et Force Noire, presque 17 mois de voyage jour pour jour et plus de 70 000
kilomètres parcourus, nous atteignons Ushuaïa.
Il y a autant de
points de vue sur Ushuaïa qu’il y a de voyageurs. De ville infâme à endroit
agréable, nous avons entendu toutes les déclinaisons possibles à son sujet.
Notre première approche est plutôt positive, accueil chaleureux et détendu, la
ville n’est pas aussi grande qu’on se l’imaginait. De part les bons tuyaux d’un
réceptionniste, nous atterrissons à l’Hostel Yakush, excellente adresse.
L’euphorie ne retombe pas, nous trinquons avec la bière locale, enfin une bière
de caractère… et qui nourrit !!
Plus que la ville
en elle-même, c’est le symbole que cela représente pour notre voyage. Mais,
nous nous rangeons dans la catégorie de ceux qui trouvent l’endroit agréable,
nous aimons à balader sur les berges du canal Beagle (tiens comme la bière,
bizarre…).
D’abord armée
puis maintenant un peu plus politique, l’Argentine livre bataille contre le
Royaume-Uni depuis plus de trente ans pour l’appartenance des Iles Malouines (
Malvinas en espagnol, Falklands Islands pour les anglais). Nombreux panneaux de
rappels le long des routes, et ici à Ushuaïa, une petite couche supplémentaire
sur le port…
Le fameux
panneaux avec toutes les directions…
Il ne fallait pas
être devin pour anticiper que les prix des excursions allaient être assez
onéreux. Passons sur la virée en Antarctique, officiellement l’excuse c’est que
Emilie est malade en bateau, officieusement c’est que cela coûte plus de
4 000 dollars us par personne, nous aurions aimé aller voir le phare Les
Eclaireurs, mais pour faire grimper le prix, le tour comprend des haltes pour
les manchots et les lions de mer. Sans regrets, juste le bonheur d’être ici.
Nous allons profiter des choses gratuites, si si, il y en a, comme mettre sa
tête dans des trucs pour faire des photos marrantes et garder ainsi un souvenir
impérissable d’Ushuaia !! (au fait, il faut prononcer
« oussouaya » et non « ouchouaya »).
A seulement
1 000 kilomètres des premières côtes de l’Antarctique, coincé entre deux
océans, les Andes pas très loin, les changements climatiques lors d’une même
journée peuvent être nombreux et rapides. Nous profitons d’une journée
magnifique pour aller pique-niquer du côté de Playa Larga, une vue superbe sur
la ville devant nous.
Les arbres ont
adopté une coupe « sens du vent »…
Voilà, nous avons
dormi au Bout du Monde, mangé au Bout du Monde, marché au Bout du Monde. Mais
également mis nos chaussettes au Bout du Monde, changés de slip au Bout du
Monde (oui c’est vrai !), parlés avec des gens du Bout du Monde qui sont
fait exactement comme nous, bref tout un tas d’activités du quotidien mais au
Bout du Monde, donc c’était mieux !! Nous avons même fait tamponner nos
passeports « Bout du Monde », encore quelque chose de gratuit en
plus !!
Étrangement,
lorsque nous repartons, nous avons un peu la gorge serrée. Comme pour un
chemin retour des vacances, c’est un peu la vérité au final. De belles choses à
voir nous attendent certainement encore, mais du côté ouest du continent cette
fois-ci. Début de la remontée…
Par l'intermédiaire de Jean-Michel, j'ai eu connaissance de votre incroyable aventure quand vous partiez de Corse et j'ai pris un réel plaisir à vous suivre.
RépondreSupprimerA des milliers de kilomètres et sans réellement vous connaître, j'arrive à ressentir toute cette émotion alors que la fin de la route est proche. Quelle expérience humaine, quel courage aussi, il vous a fallu. Sincèrement, toutes mes félicitations pour ce voyage qui m'a permis de m'évader à travers vos récits.
Xavier.
coucou , que c'est jolie cette petite ville , ça m'a l'air bien tranquille , le petit port et cette couleur de mer magnifique , Aurélien , on dirait un vrai loup de mer . Mais j'avoue que j'ai un petit faible pour tous ses animaux que vous voyez , ils sont tellement beaux et leurs regards ..... on a envie de les protéger . Bon ses gambas elles sont comment ? on vous sent très heureux d'être arrivés au bout du monde , et nous on l'est pour vous , je vous fais de gros bisous et à très vite ....
RépondreSupprimerBeau récit ! 100 000 kms, bravo ! Très belle performance !
RépondreSupprimerVous nous avez presque réconciliés avec Ushuaia ! C'est marrant de découvrir cette ville à travers vos yeux !
Bises à vous
Mathilde et Daniel